Artem Ho (rs) Champs, 00

Comme le temps passe! Artem existe depuis trente ans. Sa préhistoire remonte aux seventies. Et l'on s'est habitué à ce que l'association Galerie fasse partie du paysage du centre ville de Quimper. Et de celui des lieux d'exposition sur lesquels on peut compter sur une scène régionale, par-delà le goût personnel de chacun, pour montrer des travaux et des oeuvres de bon niveau.
Tout ce temps, elle a montré le travail de nombreux artistes, de la région mais pas seulement, connus nationalement ou internationalement, mais pas seulement, inconnus aussi, mais pas seulement.
Elle représente un vrai travail de fond avec un engagement dans la durée. Son échelle, petite, est peut-être ce qui lui a permis de tenir longtemps. Elle a réussi à se faire aider durablement par la ville, le département, la région — Oh, jamais de quoi susciter la jalousie, ou mobiliser une opposition politique en quête de jouets à casser, les changements n'ont affecté ni l'association ni son fonctionnement — et le ministère de la culture, malgré quelques fluctuations à la baisse de son indice de popularité.

Evidemment tout cela a toujours tenu à grands coups de bénévolat, et l'on ne peut s'empêcher d'associer Artem à la figure de Bernard Peschet son patient timonnier. Il protesterait sans doute qu'il n'a jamais été seul, que beaucoup d'autres l'ont entouré, et c'est vrai ; il n'en incarne pas moins un engagement fondamental, durable, et une forme de fonctionnement à l'opposé de l'égocentrisme que l'on rencontre assez souvent dans la profession ; et foin des querelles de puristes. Comme y dit Zorg dans le 5e élément, "vous voulez que les choses soient bien faites : faites-les vous-même". Avec des artems un peu partout, ce monde cruel serait un peu plus vivable. Mais faut mouiller sa chemise.
L'indécrottable sentimental que je suis à la larme à l'oeil j'avais envoyé avec moi mon briquet, pour l'allumer comme dans les concerts si on parlerait de BP dans le discours. Ben je l'ai envoyé avec moi pour rien, pasque y 'z' en ont même pas parlé, même que je trouve que c'est pas juste, voilà comment on vous remercie d'avoir animé 20 ans la scène artistique régionale avec vos mains de travailleur et la sueur de vot' front. Heureusement Bernard peschet il avait l'air de dominer ces atermoiements.

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Le Conseil Général du Finistère qui vient de renouveler son crew, s'est avisé FORT JUSTEMENT de la qualité de travail d'Artem et multiplie sa subvention. Et aussi, de ce "rapprochement " comme on dit pour ces cas -là, est née l'idée d'une exposition de grande envergure au chateau de Trévarez.
Celui-ci est un grand machin (euh, château) bombé pendant la guerre et restauré au fil des années, qui attire des milliers de visiteurs pour ses jardins. Les rhodos sont très courus. En matière d'expositions, Trévarez avait jusqu'à présent une identité assez floue ;-) dûe peut-être à la manière dont on comprenait la nécessité de faire des propositions " grand-publicables ". Les crèches de Noêl de tous les pays y étaient plus fréquemment montrées que l'art de notre époque, ou alors la peinture amateur,mais il est vrai qu'ils sont plus nombreux que les artistes à études, bien que quelques projets, ça et là, y aient été réalisés.
Le Conseil Général dit son intention de l'utiliser pour mettre plus souvent en présence le grand public et l'art contemporain. Intention louable que l'observateur perspicace & concentré ne manquera pas de rapprocher de l'utilisation que fait le Conseil Général voisin, celui des Côtes-d'Armor, du château de la Roche-Jagu . Pour autant, Trévarez ne deviendra pas un centre d'art de plus, ce qui peut-être ruinerait sa fréquentation et ferait dépérir les rhodos, et il y en a en quantité suffisante, mais développera aussi un axe d'expositions scientifiques. On ne voit pas comment les artistes pourraient s'en plaindre. La rotation ou la confrontation devraient être intéressantes...et la caution de la Science et des scientifiques, généralement perçus comme tellement plus utiles que ces rigolos d'artistes (je plaisante...), ne peut pas faire de mal.

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Et voilà donc le nouveau triumvirat d'Artem lâché dans le park : Didier Frouin en est l'actuel président, car Bernard Peschet vient de passer la main ; plus Françoise Coustal et Stéphane Tesson.
L'exposition montrera un " historique " décontracté de l'action de l'Association-Galerie sur 20 ans, dans une maquette aux deux-tiers de la galerie, ce qui est déjà presque aussi grand que l'original, reconstituée dans une des salles du chateau ; et des artistes capables d'agir "in-situ" seront contactés pour faire leur travail.

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Pas facile de passer d'un des plus petits (petit mais costaud) lieux d'art contemporain à l'Ouest du Pecos, à un paysage à cette échelle. C'est de la science-fiction, un peu comme sortir d'une fusée en tôle grande comme un appartement des années 9O, et déboucher, j'sais pas moi, dans les grandes prairies de la planète Mars. Bon, au boulot.
Période de stress, d'angoisses, d'incertitudes, de difficultés pour le trio, des soutiens qui tardent, des décisions qui se font attendre, bref, apparemment la routine dans les projets multipartenaires avec institutions...et nous voilà " Hors Champs " samedi dernier pour le vernissage. Raymond Lachat le directeur des affaires culturelles, s'est déplacé de Rennes pour l'occasion, fait un discours bonhomme, et promet lui aussi d'aider mieux Artem (" Allo!...tu m'imprimes le souligné en super-gras corps 24, coco !") Bon, que des bonnes nouvelles...

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Après, on visite. Tout n'est pas encore parfaitement calé : sur la maquette (celle de la galerie artem à Quimper, reproduite aux deux tiers dans le château, pour ceux qui dorment) les projections de diapos ne marchent pas, faute de projecteurs en état. Dommage, mais ce sera au point quand vous irez, sûrement.
A l'intérieur des documents en photocopies couleur, un peu succints (par exemple moi on me voit pas moi en photo moi lors de mon expo en 1907), peut-être politiquement corrects, peut-être un peu trop "install'", à moins que ce ne soit caïman pareil. Pas trop "people", tendance "synthèse".

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de Philipe cam dans le château on avait droit au seul carrousel qui marchait, le sien à lui, et tant qu'à faire, le bougre avait duplicaté sa diapositive à 40 exemplaires ; donc ça changeait en se répétant, allusion peut-être au slogan marquant de certaine campagne présidentielle ;-) (je plaisante). Sinon son intervention est dans le droit-fil de sa démarche, avec cet humour particulier, voir son exposition chez...Artem (dans ARTACTU) , et il est troublant de ressentir l'irritation et la frustration devant la projection, qui s'arrêtent alors que celle-ci se poursuit quand on a enfin percuté que c'était Philippe Cam et qu'on a comme qui dirait un cadre consteptruel (enfin je'sais pas bien comment ça s'écrit) à mettre autour de cette perception des vides .

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A l'extérieur, au centre d'une immense prairie, on voit la toute petite silhouette d'Aurore Scottet qui s'agite mais c'est trop loin pour entendre ce qui se dit. Des moments elle s'assoit dans l'herbe, l'air désespéré. D'autres, elle fait des grands gestes avec les bras, un peu comme si elle voulait s'envoler, mais ça doit pas être ça. Face à elle un type avec un tracto-grue qui porte un arbre entier tourne sa casquette dans ses mains et machouille son mégot de roulée. La donzelle veut un arbre à l'envers, feuillage en bas et racines à l'air, au centre de la prairie, c'est son projet depuis un moment, mais ça n'a pas l'air facile (ça, on imagine...)
Dommage il y avait là un geste assez radical pour répondre à la perspective immense qui nous fait voir jusqu'à Chateauneuf-du-Faou. Le genre truc qui GÊNE peut-être, mais à l'échelle. Land art oblige.

Epineuse question de la proportion de l'intervention. Pas facile de faire du Smithson, faut déjà des années de contrat-jeune en MJC pour acheter à crédit des bulls éreintés. Nils Udo avait bien tourné la question en tricotin botanique, mais il fallait un gros plan, forcément, une focale de plus de quarante centimètres. Ne disposant pas de l'imposant calibre de Kerguéhennec chacun essaie de tirer son épingle du jeu avec les moyens du bord.

Certains mobilisent la réflection : c'est le cas de Françoise Coustal, dont les ronds d'aciers souvent bien montés parsément bucoliquement différents endroits. Orientables sur tige, ils ressemblent aux paraboles pour recevoir la télé satellite et renvoient des éclats .
C'est une bonne idée qui nous renvoie à l'héroïque époque de l'art cinétique, à certaine fontaine du quartier neuf de La Défense, et si ça marche presque, sur la pelouse devant le château, avec des miroirs ronds de salle de bain en plastique, genre pour se raser en camping, bien qu'ils soient un peu petits...ça marche moins, du côté des exemplaires plus grands disséminés dans la verdure, qui ne font pas miroir, et semblent représenter ce qu'ils aimeraient bien faire plus que le faire vraiment. A moins qu'on aime cette réflection mate, métallique, qui est, c'est vrai, une émission de lumière mais pas de télé-vision, ou une préhistoire de l'accessoire de salle de bain. L'esthète en chacun de nous se délecte de cette frugalité que l'on associe à une éthique, à l'art japonais, ou à l'autohypnose.
Enfin les ronds de différentes couleurs, posés dans l'herbe comme des 09smarties d'artisans, sont à moitié recouverts par le hachis d'herbe de la tondeuse, et sont loin de donner autant qu'un tout bête accrochage mural, ou que la jolie carte postale éditée lors de son exposition à (je vous le donne en mille)... Artem.

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Réflexion aussi, Bauduin a déposé un cube de granit de vingt centimètres d'arète dans l'herbe, avec une vitre posée dessus. Le tout en plusieurs exemplaires dans les restes du cimetière neolithique. Il n'en faudra pas plus pour faire méditer tout un chacun sur le temps, la matière, les reflets (est-ce vrai, est-ce faux?), le vertige du sens et celui du temps. Eventuellement même la vanité . Enfin moi je sais pas bien parce que j'y arrive pas. Mais, bon! c'est peut-être pas grave, ça doit être que moi.
Certains confondent avec Gilbert Dupuis, aussi.

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Cours après moi que je t'attrape, Stéphane Tesson représente les traces d'une évasion de la Pinture par une des fenêtres du chateau. Il y a une grande corde à noeuds, faite en draps blancs, d'une taille conséquente, assez bien à l'échelle du chateau. On rêve que sous l'influence des jeunes générations friandes de performances, Stéphane Tesson aurait choisi de s'y balancer, harnaché en pintre avec palette et relié par VHF, tel un Nicolas Hulot descendant en rappel l'Art Contemporain, pour nous faire partager son expédition dans la poudre d'escampette. C'est une "allégorie de la peinture à libérer sans cesse des postures nostalgiques...", sic.
C'est fou ce qu'on trouve au marché le samedi matin main'nant ; On tâchera moyen à se rappeller la leçon.

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Claudine Coustal déploie des nappes de pique-nique autour d'un arbre, équipement utile qu'on pourra je l'espère utiliser durant tout l'été pour y faire des taches de boîtes de sardines à l'huile, de paté, et peut-être même de vin rouge en plein soleil par 30°, et de la sieste coupable qui s'ensuivra, comme si elle voulait, de manière métaphorique s'entend, on est entre gens de bonne compagnie, mais dans l'axe géographique à peu près justement, tendre à la Pinture, Enfuie par la Fenêtre aux bons soins de Stéphane Tesson et d'une corde trop courte, comme dans Papillon, vous avez pas lu? et alors il est obligé de sauter et il se casse la cheville... une sorte de bâche comme déploient les pompiers pour attraper les gens qui se jettent du dixième étage, comme dans l'arme fatale 1, ouais, vous avez pas vu ? quand Mel Gibson y excite le gars qui veut se suicider, et finalement y se jette avec lui, le gars il a la peur de sa vie, il appelle sa mère, ce qui prouve qu'il était pas prêt à mourir, et Mel Gibson oui, parce que sa copine vient de mourir, mais lui il peut pas, il a encore du travail — d'un incendie, et ce serait justice finalement, que la Pinture retombât sur la nappe de pique-nique juste pour un déjeuner sur l'herbe comme dans le film d'édouard Manet, avec gandins et vérité toute nue et tout humide sortie du puits où on l'avait mise à rafraîchir, et c'est sûr que ça ferait tout plein de taches partout comme dans les Très Riches Heures du Duc de Sam Francis , j'ai nommé le King de l'Art Informel . Sur ce beau jaune ça ferait bien.
Mais le fait-main peut-il lutter désormais avec le fait-à-l'usine, surtout avec des armées de disailleneurs vomis annuellement par des écoles d'art en quête d'utilité ? David contre Goliath, ou la Claudine(Coustal) contre le Jean-Claude (Decaux), ou le combat de la nappe de pique-nique contre la sanisette urbaine et le panneau d'affichage électronique gratuits (oui, il les donnait aux petites communes, ensuite on ne payait que le contrat d'entretien avec tout juste une concession de deux cent cinquante ans, une plaisanterie...)

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Taches encore que celles d'humidité coupable trouvées par Didier Frouin à la paroi de la Chapelle du Chateau, qu'il recadre au moyen d'une citation de Ste Thérèse d'Avila (j'étais pas capab' de reconnaître, quelqu'un me l'a dit), plutôt croquignolle dans le genre mystique débridé, avec "la force de celles qui vont jusqu'au bout"(ça c'est pas la Sainte, c'est Rexona, c'est pour faire une image...) ouaip! ça décoiffe, cousine Bécassine !

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En face dans la même répond Jean-Yves Cousseau qui se coltine aux vitraux. Enfin, il en masque au plus tôt la partie figurative et lumineuse, avec des feuilles de plomb, si bien qu'on ne les voit plus du tout, même les rayons gamma peuvent pas passer, on voit seulement un encadrement de vitres transparentes aux montures orthogonales mondrianesques qui remplacent sans doute des parties anciennement cassés. Dans ces encadrures qui laissent passer la lumière extérieure il pose des impressions numériques sur transparent de pièces de corps de femme, avec un peu de moquette qui dépasse, là-dis-donc ! mais sans le St-Christophe en argent massif, pour qu'on comprenne bien que c'est une gonzesse. Ceci d'une part, et d'autre part, sur le vitrail qui fait pendant, des traces dont on ne sait s'il s'agit de cristaux de gelures agrandis par le moyen d'une Très Haute Technologie, de traces de césariennes, d'échantillons de sperme congelés à la louche, heuh...Non! à la loupe, ou d'un genre de fil de fer....ouais, tu sais là, avec des piquants, un peu comme au Club de Mordelles, ouais, ouais, tu sais, où y a des mecs qui aiment bien se faire ligoter avec ça, et se faire faire des trucs qui saignent, des comment? des fils, euh...
—barbelés, M'sieur !
—comment tu sais ça, toi, salopiot, tu le fréquentes, le Club de Mordelles, hein? Avoue !
... Le provincial que je suis, encore tout imprégné de son Catéchisme, regrette la confrontation évitée entre l'imagerie pieuse et ce registre à volonté sulfureuse néo gothic bon teint.

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Source encore, en bas du chateau, rien à voir mais à entendre. Un dispositif sonore de Hugues Germain, invisible, et réglé comme d'hab' avec une discrétion soigneuse, laisse entendre des sons du parc et de l'environnement retravaillés, toujours dans une certaine logique par rapport à l'endroit. De près, le volume sonore est un petit peu plus fort que nature, le bruit que ferait la vraie source qui n'en fait pas et sert de leurre . Par contre de loin (200 mètres par exemple) il se fait très bien entendre alors qu'on ne devrait rien entendre, et engage une sorte de jeu de cache-cache avec l'auditeur parmi les fourrés (enfin, les mâââssifs) dont humour et poésie ne sortent pas perdants. Rafraîchissant.
Voilà réglée astucieusement la question de l'échelle (pas celle par laquelle s'enfuit la Pinture, hein ! l'autre, en général, entre l'oeuvre et son ééécrin de verdûûûre) car le son se diffuse loin et sa provenance n'est pas toujours localisable. Apparitions, Voix (St Thérèse en entendait-elle?), badins génies du lieu qui se dispersent et coursent les portugaises ambulantes tels les satyres des nymphes dans un tableau du Dix-Huitième Frooonnnçais. Et on prend plaisir à se faire attraper ;-) C'est très convaincant. l'interférence nature-culture convoquée dans le dépliant en couleur prend son sens de manière riante, babillante, décontractée, vivante, comme une 'conversation piece' entre amis. Il y a un petit souffle de vent qui rafraîchit, le gazon sent bon, on se sent bien. paisible. Pour un peu on enlèverait ses chaussures pour laisser l'herbe nous chatouiller les doigts de pieds.

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Au jardin japonais Didier Tallec a étalé de l'ardoise sur les traces d'un petit chemin, et souligné un autre plus grand d'une simple ligne de briques, "à la corde" comme dirait le commentateur sportif dans 'le derby à Epsom', film américain trépidant de ... de qui....? Allez !... qui doit faire au moins cent mètres et p'têt meume plus .
ça vous a un petit côté passage d'UV aux bozards à l'aube embrumée des eighties, tendance tandem Mencoboni-Le Bozec pour êt' précis, en ces époques réculées et confuses dont le souvenir s'efface peu à peu, en même temps que les protagonistes, jeunes artistes désormais mûrissants, atteignent pudiquement, comme le chante si bien Dalida, " dé fois diz-houit ans".
"...au bon souvenir de l'ardoise et de la brique rouge dont l'exotisme gît sous nos pas, à portée de nos mains et de nos bourses, contrairement à ce que..." nous invite à méditer le dépliant en couleurs gagné par des accents virgiliens.
Oh les gars hé ! Oh le mec, eh ! Oh putain ! Je sais pas si c'est de la poésie, mais ça c'est des cojones, ou on s'y cojonnait pas, hé ! Oh là lààààà !

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A l'échelle du site aussi, l'intervention de Didier Frouin dans le bassin très long. Il a posé à plat sur l'eau de petits chassis entoilés, format paysage dirait-on, qui flottent, surmontés chacun d'un de ces ridicules petits chevalets de peintres nains d'à peu près 20 centimètres. Chaque élément est lesté d'un plomb de pêche, et oscille paresseusement dans le souffle d'air estival, un peu comme Tony Curtis dans The Persuaders décrit la trouble sensualité de deux olives s'entrechoquant mollement dans son cocktail, produisant dans la lumière de midi une curieuse illusion d'optique, comme si ça montait, et un mouvement conjoint. Il y en a une flipopée, une centaine semble-t-il, et à la fois le triangle et le bois du chevalet nous évoquant la Marine, une véritable armada dérisoire à la pure blancheur qui n'est pas sans évoquer, via le matériel utilisé, ces armées de pimpants retraités des professions libérales ou de la fonction publique qui tous travaillent d'arrache-pied à devenir, vite ! de grands artistes au Concours de peinture amateur organisé par l'industriel Lefranc&Bourgeois dans les champs Elyséens .
On donnerait volontiers à Didier Frouin le défunt Prix de Trévarez pour l'efficacité de ce véritable travail "in situ". On lui donnerait aussi le Prix des peintres de la marine pour cette invincible armada de chevaliers blancs furtifs, très réussie. Le décalage entre les matériaux propres & neufs, très "installation d'objets", et les figures classiques de dauphins en plomb éreintés par l'âge qui ornent le bassin, nous emmenant d'une vision ironique de Paolini à l'ironie visuelle de Peter Greenaway. Le prix du jeu de mot enfin avec le titre "tableau de chasse" qui nous ouvre des dimensions conceptuelles inédites à qui s'est déjà livré au délicat réglage du flotteur et de l'appareillage en plastique d'un chalet d'aisance.

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Pour finir en beauté puisqu'on parle de paysage, citons le travail d'Isabelle Mallard, sculpteuse marquée par l'environnement agro-alimentaire, c'est-à-dire la vraie campagne, de ferrailles et mécaniques aux fonctions lisibles dans les formes, mêmes, comme une métaphore du corps -pour causer riche, comme des bouts d'armures abandonnés au théatre d'une guerre Pichrocoline -pour causer cultivé,
mais bien bien mieux évidemment que les mochetés plantées au bord de la voie express au lieu-dit Brocéliande, flattant la sous-culture "Heroïc-Fantasy" à l'américaine (Conan the Barbarian, par exemple, ou Halloween, pour les plus jeunes), qui se fond souvent avec le folklore imaginaire de Breizhie, et qui abîment les yeux.
Non, là, le diamètre d'une sorte de cylindre géant, réservoir sur pieds, se rétrécit en un entonnoir du même tonneau, se rétrécit encore pour allonger sur la pelouse une espèce de trompe d'éléphant vaguement obscène, ondulant très très mollement sur plusieurs mètres, se finissant par un cerclage métallique tellement serré que ça fait mal rien qu'à le regarder, suivi du robinet le plus minuscule - et peut-être le plus ridicule - qu'elle a pu trouver... Lequel ne devrait laisser suinter annuellement qu'un ou deux gouttes d'humidité qui iront se perdre incontinent dans la pelouse. Et encore, les bonnes années... Allez, je vous donne le titre : "Des espoirs".
Je vois pas qu'est-ce que je pourrais ajouter à ça.
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Bon, on fait comme d'hab', si j'a pas tout comprit, vous m'espliquez les restes. Hein !
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pg